Programmation

Give Me Shelter

Exposition

SAW

Artistes

Aymara Alvarado Lang (Gatineau), Arquitectura Expandida (Bogotá), Center for Urban Pedagogy (New York), Abigail Child (New York), Tony Cokes (New York), Guerilla Girls (New York), Joar Nango et Tanya Busse (Tromsø), Kika Thorne et Adrian Blackwell (Toronto) / October Group et February Group, Michael Rakowitz (Chicago), Neal Rockwell (Montréal), Frank Shebageget (Ottawa) et Andrea Luka Zimmerman (Londres)

Commissaire

Jason St-Laurent (Ottawa) et Serkan Taycan (Istanbul)

Conseiller : Stefan St-Laurent (Gatineau)

Vernissage
Le vendredi 11 octobre de 18 h à minuit

18 h  Table ronde : « Agir maintenant : des solutions pour le logement ! »
20 h  Performance d'Aymara Alvarado Lang (Gatineau) : Permis de démolition

Musique avec le DJ Geronimo Inutiq (Ottawa) et mets préparés par Chickpeas

Entrée libre et bar payant

L'exposition Give Me Shelter présente 12 réponses artistiques à la question de l’insécurité du logement et de l'itinérance au cours des dernières décennies, mettant en avant des œuvres d'artistes et d'architectes canadiens et internationaux. Axée sur la pratique sociale et l'activisme communautaire, cette exposition propose un large éventail de projets qui éclairent ce problème crucial. Ensemble, les œuvres invitent à réfléchir sur la manière de créer des systèmes plus équitables et solidaires pour assurer un logement sûr pour toutes et tous.

Give Me Shelter est la première édition de la nouvelle exposition triennale d'art et d'activisme de SAW.

Subventionnaires : Conseil des arts du Canada, gouvernement du Canada, Ville d'Ottawa, Conseil des arts de l'Ontario, gouvernement de l'Ontario, Fondation Trillium de l'Ontario et Fondation communautaire d'Ottawa

Demolition Permit, 2024
Performance, papier, carton, colle et impressions numériques sur vinyle adhésif

Lors de sa performance Demolition Permit [Permis de démolition], présentée au vernissage de cette exposition, Aymara Alvarado Lang a détruit des piñatas en forme de nouveaux immeubles à condos en construction à Hull, Gatineau, au Québec. Avec cette œuvre, l'artiste, une résidente de Hull, dénonce la prolifération des logements inabordables dans ce quartier économiquement défavorisé.

Après avoir étudié le dessin, la peinture et la sculpture à l'Académie San Carlos à Mexico, Aymara Alvarado Lang a suivi les traces de son grand-père, Carlos Alvarado Lang, qui était graveur. Son admiration pour les peintres classiques l'a amenée à expérimenter avec l'huile sur toile et la feuille d'or. Son approche actuelle fusionne des techniques anciennes et nouvelles, avec l'espoir d'abolir leurs frontières.

La Comunidad de la Pala 2.0, 2024
Photographies et vidéo, 3 min 46 s, couleur, son

La Comunidad de la Pala 2.0 du collectif Arquitectura Expandida est un projet architectural participatif à Bogotá qui permet aux résidents locaux de concevoir et de construire leurs propres espaces publics. L'œuvre met l'accent sur l'action collective et sur le potentiel de l'architecture en tant qu'outil de changement social, en particulier dans les communautés marginalisées et à faible revenu.


Fondé en 2010, Arquitectura Expandida est un collectif activiste qui collabore avec des mouvements communautaires pour la recherche, l'exploration et la création d’espaces alternatifs dédiés à la gouvernance expérimentale, à la participation citoyenne et à l’autogestion dans les zones urbaines périphériques. Parmi ses membres principaux figurent les architectes Ana López Ortego et Harold Guyaux, ainsi que l’artiste Viviana Parada. En tant que collectif, ils se concentrent sur les droits des habitants à la ville, sur les biens communs urbains et sur le rééquilibrage des asymétries de pouvoir dans l’espace public. Leur travail a été reconnu par plusieurs organisations et événements internationaux, dont le Centre Georges Pompidou à Paris, la Royal Academy of Arts à Londres et la Biennale d’architecture de Venise.

Imprimés et matériel pédagogique, 1997-2024

Le Center for Urban Pedagogy adopte une approche activiste directe avec sa trousse à outils What Is Affordable Housing? [Qu'est-ce que le logement abordable?]. Cet outil d'atelier interactif décompose les politiques complexes en matière de logement afin d'aider les communautés à plaider en faveur de solutions plus équitables dans leurs quartiers respectifs.

Le Center for Urban Pedagogy (CUP) est un organisme à but non lucratif qui utilise la puissance du design et de l’art pour favoriser une participation civique significative, en particulier parmi les communautés sous-représentées. Les projets du CUP démystifient des enjeux de politique et de planification urbaines — du système de justice pour les mineurs aux lois de zonage en passant par l’accès à la nourriture — qui ont un impact sur les communautés, afin que davantage de personnes puissent participer à leur élaboration. Fondé en 1997 par un groupe d'individus issus des domaines de l'art, de l'architecture, du design, de la théorie politique et des politiques publiques, le CUP a diversifié ses projets pour inclure des publications, des vidéos et des expositions, ainsi que des collaborations avec des étudiant·e·s, des artistes, des organisations communautaires et des groupes de plaidoyer. Il continue de diffuser son travail et son message dans toute la ville de New York.

B/Side, 1996
Vidéo, 40 min, couleur et noir et blanc, son

 B/side est une exploration provocante de l'itinérance urbaine, combinant des images sensibles des réalités extérieures auxquelles sont confrontées les personnes sans-abri avec des représentations imaginatives de leurs fantasmes intérieurs. Encadré par des scènes de Dinkinsville, un campement situé dans le Lower East Side de New York, où certains sans-abri du parc Tompkins Square se sont installés après les émeutes de juin 1991, le film commence par la première nuit du campement et se termine par l'incendie et la destruction subséquente du terrain en octobre de la même année.

Abigail Child est à l’avant-garde de l’écriture et des médias expérimentaux depuis les années 1980, ayant réalisé plus de trente œuvres cinématographiques, vidéographiques et installations, ainsi que six livres. Les déplacements culturels, principalement urbains, sont au cœur de ses préoccupations. Ses films, souvent réalisés en collaboration avec des poètes et des compositeurs, ont été largement récompensés et présentés dans des musées et festivals à l’international. En 2010, elle a reçu le Rome Prize Fellowship en arts visuels et a bénéficié de bourses du National Endowment for the Arts, de la Jerome Foundation et de la New York Foundation for the Arts, parmi beaucoup d'autres. Child est professeure émérite à la School of the Museum of Fine Arts de Boston.

B4 & After the Studio Pt. 1, 2019
Vidéo HD, 11 min 2 s, couleur, son

Avec la permission de : Greene Naftali, New York, Hannah Hoffman, Los Angeles, et Electronic Arts Intermix, New York

Commandée en 2019 pour une exposition dans l’espace artistique The Shed à Hudson Yards, B4 & After the Studio Pt. 1 explore la relation entre l’art et le développement immobilier. L'œuvre réutilise un texte sur les émeutes de Tompkins Square en 1988 ainsi qu’un extrait du livre Loft Living: Culture and Capital in Urban Change de Sharon Zukin, publié en 1989. Selon Zukin, les lofts d’artistes de Soho ont joué un rôle d’agents de revalorisation, convertissant l’espace industriel en capital culturel, préparant ainsi le terrain pour la transformation de ces quartiers du centre-ville en espaces réservés à un « usage de luxe ».

Tony Cokes est un artiste conceptuel qui explore la vidéo, le texte, le son et l'installation. En s'appropriant et en recombinant des éléments issus de la musique populaire, de la théorie critique et de l'actualité, il crée des œuvres minimalistes visuellement saisissantes qui interrogent les liens entre les questions raciales, autorité et politiques de l'espace. Son travail a été présenté dans des institutions et événements artistiques majeurs, notamment au Museum of Modern Art de New York, à l'Art Institute of Chicago, à la Whitechapel Gallery de Londres et à Documenta 10 à Kassel. Cokes enseigne au département de culture et médias modernes de l'Université Brown, à Providence, Rhode Island.

What's the Difference Between a Prisoner of War and a Homeless Person?, 1991
Affiche
53,34 cm x 40,64 cm

Prêt de la Bibliothèque et Archives du Musée des beaux-arts du Canada

What’s the Difference Between a Prisoner of War and a Homeless Person? [Quelle est la différence entre un·e prisonnier·ère de guerre et une personne en situation d'itinérance?] des Guerrilla Girls propose une critique mordante de la négligence gouvernementale, comparant les personnes en situation d'itinérance aux prisonnier·ère·s de guerre, qui ont droit à de la nourriture, un abri et des soins médicaux selon la Convention de Genève. L'œuvre incite les spectateur·rice·s à confronter les dures réalités de la vie sans abri et l'indifférence sociale qui l'accompagne souvent.


Fondé à New York en 1985, les Guerrilla Girls forment un collectif anonyme d’artistes-activistes féministes qui utilisent les mécanismes de la publicité et de la culture médiatique pour dénoncer les inégalités de genre et de race dans le monde de l’art et au-delà. Connues pour apparaître en public portant des masques de gorille, les Guerrilla Girls mènent des actions qui comprennent des interventions furtives dans des institutions artistiques, des expositions, des performances, des vidéos, des livres, des ateliers et des conférences publiques. Leurs projets provocateurs, choquants et souvent humoristiques ont été présentés dans des villes du monde entier, à la fois dans des projets de rue et lors d'expositions dans des lieux tels que la Tate Modern à Londres, le Museum of Modern Art à New York, Art Basel à Hong Kong, le Centre Pompidou à Paris et la Biennale de Venise.

Vestavin, 2011
Publication d’artiste

L'ingéniosité du « D.I.Y. » (fait maison) est mise en avant dans l'œuvre in situ Vestavin de Joar Nango et Tanya Busse. En créant des kits de fabrication de vin artisanale qui transforment une multitude de produits locaux en vins uniques, les artistes ont métamorphosé des lieux improbables, tels que des stationnements souterrains et l'arrière des gares d’autobus, en espaces de réduction des risques, offrant une alternative plus sûre aux alcools impropres à l’ingestion, peu coûteux, souvent consommés dans ces lieux à l’écart.

Joar Nango est un artiste et architecte sámi-norvégien dont la pratique explore le discours entre l'architecture et la culture autochtone, ainsi que les enjeux politiques découlant de la colonisation en Europe du Nord. Souvent réalisée en collaboration avec d'autres, son œuvre sert de plateforme pour discuter de l'architecture sámi et autochtone dans un contexte européen. Les projets de Nango ont été présentés à Documenta 14 à Kassel, en Allemagne, à la Biennale d'architecture de Chicago, ainsi que dans le Pavillon des Pays nordiques dans le cadre de la 18e Exposition internationale d'architecture à la Biennale de Venise.

Tanya Busse est une artiste canadienne basée à Tromsø, en Norvège, qui utilise les médiums de l'image en mouvement, de l'installation et de la photographie. Sa pratique explore la synthèse de la nature, souvent combinée à une expérience industrielle et post-humaine. Elle s'intéresse au temps profond, à l'architecture invisible et à la manière dont le pouvoir est produit et articulé à travers les relations matérielles et les histoires des lieux. Busse est également directrice de Mondo Books, une plateforme indépendante de livres d'artistes basée à Tromsø. Son travail a été exposé dans des galeries et festivals au Canada et à l'international, notamment à la Biennale d'art de Toronto, à la Biennale d'art de Turku en Finlande et au Röda Sten Konsthall à Göteborg, en Suède.

paraSITE, 1997
Plastique, ruban adhésif et ventilateur

paraSITE est un projet en cours de Michael Rakowitz, débuté en 1997. L'œuvre consiste en des abris d'urgence créés pour des populations vulnérables, utilisant le flux d'air des systèmes CVC (chauffage, ventilation, climatisation) des bâtiments pour les gonfler et les chauffer. Ce travail attire l'attention sur la crise de l'itinérance et sur les moyens désespérés par lesquels certaines personnes luttent pour survivre dans des environnements urbains hostiles.

Michael Rakowitz est un artiste conceptuel irakien-américain qui s'est fait connaître à la fin des années 1990 grâce à son projet paraSITE. Engagé dans ce qu'il appelle une « pratique redirigeante », qui lui permet d'aborder d'autres disciplines, telles que l'architecture, à travers le prisme d’un artiste, il crée des projets publics, des installations et des événements qui abordent des questions sociales et politiques pressantes. Son identité issue du Moyen-Orient occupe souvent une place importante dans son travail, comme dans RETURN (2004-en cours), un projet aux multiples facettes dans lequel il tente d'importer des dattes d'Irak aux États-Unis, en partie pour « illustrer la richesse culturelle d'un pays en crise ». Rakowitz est récipiendaire de nombreux prix et distinctions, et ses œuvres ont été présentées dans de grands musées et biennales partout au monde. Il est professeur de théorie et de pratique artistiques à la Northwestern University, à Evanston, dans l'Illinois.

Financialized, 2018-2024
Impressions numériques sur Diabond, vinyle et papier, dimensions variables

Neal Rockwell examine l'impact des propriétaires financiarisés sur les quartiers de Thorncliffe Park, West Lodge Towers et 130 Gowan Avenue à Toronto, ainsi que sur Herongate à Ottawa—tous des quartiers où vivent d'importantes populations immigrantes, confrontées à des pressions de gentrification et à une infrastructure en déclin. À travers une lentille documentaire, Rockwell met en lumière la résilience de ces communautés tout en critiquant les politiques de développement urbain qui menacent leur existence.

Basé à Montréal, Neal Rockwell est un journaliste d’investigation, cinéaste et écrivain, dont les photographies, vidéos et articles ont été publiés dans The Toronto Star, The Globe and Mail, Al Jazeera et Vice, entre autres. Les thèmes récurrents de son travail incluent les impacts sociaux et politiques de la crise du logement, les questions environnementales, ainsi que l’influence de l’économie mondiale et de la technologie sur les paysages et communautés locales. Il est titulaire d’une maîtrise en médias documentaires de la Toronto Metropolitan University.

Small Village, 1999
Étagères en cèdre, MDF et carton gris
140 cm x 244 cm x 26 cm

Prêt de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada

Small Village II, 2004
Étagères en cèdre, MDF et carton gris
30,5 cm x 247 cm x 22 cm

Prêt de la Galerie d’art d’Ottawa

Les œuvres sculpturales Small Village et Small Village II de Frank Shebageget offrent une puissante réflexion sur l’impact durable du colonialisme sur l'architecture et le logement. Le programme standardisé de la « maison indienne canadienne » était un projet de logement profondément défaillant, proposé et imposé par le gouvernement fédéral, qui a affecté, et continue d'affecter, de nombreuses communautés autochtones à travers l'île de la Tortue.

Frank Shebageget est un artiste et commissaire anishinaabe (ojibwé) né à Upsala, dans le nord-ouest de l’Ontario, et vivant actuellement à Ottawa. Bon nombre de ses sculptures et installations reflètent ses expériences de vie dans une communauté autochtone éloignée et intègrent des symboles de contact interculturel, tels que les maisons préfabriquées imposées par le gouvernement, les filets de pêche et les avions de brousse. En s’appuyant sur l’esthétique des matériaux du quotidien, sa pratique explore les relations tendues entre production, consommation et économie de la beauté à travers la répétition des formes, des processus de travail intensifs et le jeu entre des méthodes quasi-industrielles et artisanales. Le travail de Shebageget a été présenté au Musée des beaux-arts de l’Ontario, au Royal Ontario Museum et au National Museum of the American Indian du Smithsonian, entre autres lieux.

October 25th + 26th, 1996, 1996
Vidéo, 8 min, noir et blanc, son

Mattress City, 1997
Vidéo, 8 min, couleur et noir et blanc, son

Ces deux œuvres vidéo ont été réalisées par des membres des collectifs artistiques ad hoc February et October Groups. Leurs actions de protestation filmées à Toronto étaient une réponse à la « Révolution du bon sens » du gouvernement conservateur de l'Ontario au milieu des années 1990, marquée par des coupes budgétaires importantes dans les services sociaux, incluant l'annulation de 200 projets de logements sociaux en Ontario.

De 1996 à 2004, Kika Thorne et Adrian Blackwell ont collaboré à plusieurs vidéos, installations et interventions civiques à Toronto dans le cadre des October, February et April Groups. Au-delà de son travail en tant qu'artiste, cinéaste et commissaire, Kika Thorne a cofondé dans les années 1990 un collectif féministe de télévision par câble appelé SHE/tv, ainsi que l'Anarchist Free Space et la Free School dans le quartier de Kensington Market à Toronto. Le travail d'Adrian Blackwell couvre la photographie, la vidéo, la sculpture, la théorie urbaine et le design, et réagit aux forces politiques et économiques inscrites dans les espaces physiques. Il est professeur agrégé d'architecture à la University of Waterloo. 

Shelter in Place, 2021
Installation vidéo HD à trois canaux, 19 min, en boucle

Avec la permission de : Andrea Luka Zimmerman + Lux, Londres

Propos de l’artiste :

L’installation Shelter in Place a été réalisée au cours de l’été 2020. Lors du premier confinement dû à la COVID-19, le performeur et musicien William Fontaine s’est retrouvé sans domicile, et il a trouvé refuge dans un parc public. Au fil des semaines, nous y avons tous deux pratiqué les arts martiaux, et j’ai remarqué qu'une communauté se formait autour de lui. Cette œuvre se veut le portrait de sa présence dans le parc, ainsi que du parc lui-même et de ceux qui s’y rassemblaient. Le son et l’image sont décalés, comme la majeure partie du monde l’était alors, et l’est toujours. Il ne s’agit pas d’un documentaire sur cette époque, mais d’un document témoin, d’un regard poétique sur une présence singulière. Dans ma pratique artistique, je m’intéresse aux vies vécues dans la marge, même si, et peut-être surtout si ces vies se déroulent dans l’espace public, souvent sous les yeux des gens, à la fois visibles et non vues. Cette installation doit son existence au fait que nous avons des parcs publics, notamment celui-ci où règne une grande tolérance. J’y ai rencontré William, qui vivait dans le parc parce qu’il y était obligé, mais aussi parce qu’on lui permettait de le faire. Cette œuvre est donc née d’une nécessité, d’une rencontre en un lieu et moment particuliers, devenant ainsi une réflexion sur le monde des possibles. Elle montre que les espaces publics sont un bien commun pour l’usage de tous – mais aussi que la détérioration des structures existantes, souvent délabrées ou inaccessibles, exige que l’on trouve d’autres moyens de survie. William ne correspond pas vraiment à l’image qu’on se fait d’une personne sans abri. Il me donnait l’impression d’être à la fois très présent et ailleurs, comme s’il était « hors du temps », non pas arrivé à la fin des choses, mais comme libéré d’elles. Ensemble nous avons commencé à imaginer comment, en tant que société, nous pourrions envisager des programmes de soins tenant compte des gens qui n’ont pas accès aux fond publics, ou qui sont sans papiers, ou qui n’ont pas de compte bancaire. Comment tenir compte des gens qui ne sont pas dénombrés? Nous avons aussi songé aux différents parcours de vies, au fait que nous devrions tous pouvoir vivre et grandir en évitant de dépendre de la reconnaissance des autres, bien que nous ayons besoin de leur aide pour manger et être en sécurité. Nous avons parlé du fait qu’un abri adéquat n’est pas seulement une question de structure, et qu’un lieu, même dépourvu de murs, peut générer et faire fleurir une communauté, alors que certains règlements visent à empêcher les gens de se regrouper. Nous étions à la recherche d’une idée, d’une manière différente d’envisager les choses – plus contemplative et attentive –, qui nous permette d’être simplement nous-mêmes dans nos rapports avec les autres. De ne pas vivre au présent « tendu » mais simplement dans le présent.

Andrea Luka Zimmerman est une artiste, cinéaste et militante culturelle primée, dont la pratique plurielle explore les refus fragiles et les contre-mémoires, les vies itinérantes, humaines et autres, en lien avec l'injustice structurelle et politique. Née en Allemagne en 1969, Zimmerman s'est installée à Londres en 1991 pour entreprendre des études doctorales à Central Saint Martins, University of the Arts London, où elle enseigne actuellement le cinéma. Elle a réalisé cinq longs métrages, dont Raskafa, Stories of the Street (2013), Estate, a Reverie (2015), Here for Life (2019) et Wayfaring Stranger (2024), présentés dans des cinémas, galeries et festivals partout au monde. Elle est cofondatrice de deux collectifs de cinéma et de culture, Vision Machine et Fugitive Images, tous deux basés à Londres. En 2020, elle a reçu le prestigieux Film London Jarman Award en reconnaissance de son travail.

Phlocus, alias William Fontaine, est un magicien de contenus, de paysages sonores, et un artiste de performance. Né à New York et basé à Londres, il pratique diverses disciplines, dont la musique, la sculpture, l’écriture et les arts de combat, s’inspirant de discours culturels, historiques et sociaux pour créer des œuvres performatives. Selon lui, cette forme d’art, nomade par essence, doit être « vécue pour être traduite et devenir manifeste ».